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Nuit d'enfer pour les passagers d'un train Berlin-Paris: la compagnie OBB regrette "profondément"

Une voiture supprimée dans le train de nuit du 5 janvier dernier entre Paris et Berlin a engendré une vraie galère pour des dizaines de passagers.

La relance des trains de nuit en Europe ne se fait pas sans couacs. Si la SNCF est depuis quelques semaines régulièrement épinglée pour des incidents à répétition sur la ligne Paris-Aurillac, l'opérateur autrichien ÖBB, pourtant bien rôdé sur ce type de liaison, n'échappe pas aux graves dysfonctionnements.

Manque de chance, c'est sur la toute nouvelle liaison nocturne entre Berlin et Paris (Nightjet), relancée en grandes pompes en décembre dernier avec la SNCF et la DB (Allemagne) qu'un enchaînement de problèmes a eu lieu. De quoi provoquer un important bad buzz pour la compagnie autrichienne peu habituée à ce genre d'affaires.

Le débrief  : Les trains de nuit, un gadget ? - 21/05
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Le trajet du Nightjet n°40424 du 5 janvier dernier au départ de la capitale allemande commence déjà mal avec plusieurs dizaines de minutes de retard. Mais ce retard initial va s'avérer un détail pour les passagers de la voiture 427.

Ce wagon a été retiré du train pour des raisons techniques. La veille, ses occupants ont bien été avertis de cette suppression mais le service client de l'opérateur autrichien leur assure qu'ils peuvent quand même monter à bord.

"Agressivité et arrogance"

Dès leur entrée dans la rame, les choses ne se passent pas comme prévu. Un chef de bord de l'ÖBB leur explique que seuls les voyageurs ayant une réservation peuvent s'installer, que le train est plein, et qu'il pourrait appeler la police pour les déloger. Ambiance.

Certains voyageurs renoncent, d'autres restent à bord et essayent de s'installer comme ils peuvent. Mais c'est sans compter l’"agressivité" et l’"arrogance" du chef de bord, dénoncées au Figaro par des voyageurs. Ces derniers ne sont pas autorisés à s'installer ni sur les places assises ni dans les compartiments, et se retrouvent assis dans les couloirs ou entre les voitures, par terre sous les yeux réprobateurs du contrôleur. Des personnes âgées et des mamans accompagnées d'enfants font pourtant partie des passagers concernés.

Vers minuit, le chef de bord intraitable de l'ÖBB autorise certains passagers à occuper des sièges dans la voiture de tête qui se révèle être à moitié vide. Mais le soulagement est de courte durée puisqu'un autre contrôleur leur explique qu'ils doivent payer 40 euros pour occuper ces places.

"J’ai refusé, choquée par ce procédé qui me semblait illégal. Surtout, je n’avais pas à payer pour une erreur de la compagnie". "On n'était pas loin d'en venir aux mains. Certains étaient en larmes. Les gens sortaient de leur compartiment pour voir ce qu'il se passait. Verbalement, c’était d’une violence inouïe", racontent des passagers à nos confrères.

Payer 40 euros supplémentaires pour s'asseoir

Face à la fronde et aux menaces de plainte et de médiatisation, une solution est proposée: rejoindre les voitures du Vienne-Paris qui se raccrochent au Berlin-Paris en gare de Mannheim. Problème, seulement 6 places assises sont disponibles.

L'opérateur propose alors aux passagers d'attendre en gare le prochain TGV entre Strasbourg et Paris qui transite par Mannheim, quatre heures plus tard. Il est 3h du matin il fait -5 degrés et la gare est pourtant fermée... Certains se résignent et prennent une chambre d'hôtel dans la ville allemande.

Evidemment, cette aventure laissera des traces et écorne l'image déjà un peu compliquée des trains de nuit. Alors que l'ÖBB propose des trains plutôt confortables, c'est sa gestion du service client qui est épinglée.

Interrogé par BFM Business, l'opérateur autrichien se confond en excuses.

"En tant qu'ÖBB, nous regrettons profondément cet incident et ferons de notre mieux à l'avenir pour mieux communiquer toute complication et trouver des solutions plus satisfaisantes en collaboration avec nos clients", explique un porte-parole.

Sur les causes de cet énorme couac, l'entreprise explique que "les passagers de cette voiture (supprimée, NDLR) auraient en fait dû être exclus de ce voyage et se voir proposer une alternative, car le Nightjet était déjà plein".

Ces voyageurs n'auraient pas du embarquer, dit l'ÖBB

"Alors que le train démarrait à Berlin, les collaborateurs de la DB étaient encore responsables des tâches opérationnelles. Cependant, certains des passagers concernés se trouvaient déjà à bord du Nightjet et ont insisté pour y rester, c'est pourquoi le départ devait être retardé jusqu'à ce que la situation soit enfin clarifiée", poursuit la firme.

"En conséquence, les passagers sans siège ont été temporairement placés par notre personnel dans une voiture assise dans le compartiment à destination de Bruxelles. Après l'attelage du Nightjet à destination de Paris et de Vienne à Mannheim, les passagers ont été transférés dans une voiture à places assises située dans ce compartiment du train", poursuit le porte-parole.

La compagnie ne commente néanmoins pas la gestion de son personnel jugé agressif. Quant aux 40 euros qui ont été exigés, "la manière dont cette offre a été communiquée devrait cependant être remise en question".

Interrogé sur les compensations qui pourraient être proposées aux passagers lésés, l'ÖBB ne donne pas de détails supplémentaires.

Fermée en 2014, la liaison ferroviaire de nuit entre Paris et Berlin a repris le lundi 11 décembre depuis la capitale allemande. Trois allers et retours sont proposés depuis Paris Gare de l’Est avec des départs les mardis, jeudis et samedis et les lundis, mercredis et vendredis depuis la capitale allemande.

Un succès?

Le temps de trajet est de 13 heures environ pour environ 900 kilomètres. Cette offre deviendra quotidienne à partir de l’automne 2024. Les tarifs sont à partir de 29,90 euros pour une place assise, à partir de 59,90 euros pour une couchette et à partir de 92,90 euros pour une voiture-lit (et peuvent donc être bien supérieurs en fonction de la date et du remplissage du train).

S'agit-il d'ailleurs d'un succès? On le sait, la plupart des lignes de nuit sont déficitaires et n'existent en fait qu'à travers la volonté de l'autorité organisatrice, à savoir l'Etat.

La relance de la liaison entre Berlin et Paris était attendue mais pour le moment, difficile d'avoir des chiffres. L'ÖBB ne repond pas et du côté de la SNCF, on indique ne pas avoir de chiffres à partager "pour le moment".

"L’offre est très récente et les chiffres ne seraient pas représentatifs. Par ailleurs, cette liaison a démarré pour les vacances de Noël, donc période forcément très différente du reste de l’année. Enfin, le Paris-Berlin n’est pas un train 100% SNCF. La ligne est opérée par SNCF, DB et ÖBB. Les opérateurs communiqueront quand il y aura un peu plus de recul", explique à BFM Business un porte-parole.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business