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Russie

Alexeï Navalny: la colonie pénitentiaire IK-3, l'enfer glacé où l'opposant a perdu la vie

La colonie pénitentiaire russe IK-3 le 20 avril 2021

La colonie pénitentiaire russe IK-3 le 20 avril 2021 - DIMITAR DILKOFF / AFP

Alexeï Navalny a été transféré en décembre dernier dans cette prison située au-delà du cercle polaire, à 3.000 kilomètres au nord de Moscou.

Une prison aux allures de tombeau pour Alexeï Navalny. L'opposant n°1 à Vladimir Poutine est mort vendredi 16 février dans la colonie pénitentiaire IK-3, prison glacée située au-delà du cercle polaire, dans le village sibérien de Kharp.

À plus de 3.000 kilomètres de Moscou, Navalny y purgeait depuis décembre dernier une peine de 19 ans de prison pour "extrémisme".

Surnommée "Loup polaire", IK-3 est une colonie à "régime spécial", la catégorie d'établissements où les conditions de détention sont les plus rudes et qui sont d'ordinaire réservés aux condamnés à perpétuité et aux détenus les plus dangereux.

-32°C

Héritier du Goulag soviétique, l'établissement est connu des défenseurs des droits humains pour ses conditions de vie particulièrement difficiles. Les températures peuvent y descendre jusqu'à -32°C.

Le 26 décembre, Alexeï Navalny avait posté de sa nouvelle colonie pénitentiaire son premier message, après n'avoir donné aucune nouvelle pendant des semaines en raison de son transfert à partir de son ancienne prison de la région de Vladimir, plus proche de Moscou.

"Je suis votre nouveau grand-père gel", ironisait-il, se comparant à l'équivalent du père Noël dans le folklore russe. "J'ai un touloup, une ouchanka et j'aurai bientôt des valenko", ajoutait-il, évoquant les traditionnels manteaux, chapeaux et bottes d'hiver en fourrure.

"Quand je regarde par la fenêtre, c'est d'abord la nuit, puis le soir, puis à nouveau la nuit", racontait l'opposant, alors qu'à cette latitude, le soleil ne se lève que deux heures en plein hiver.

Quelques semaines plus tard, après une période de quarantaine, Alexeï Navalny avait donné plus de détails sur ses conditions de vie dans un message publié sur X. Il y racontait notamment sa vie à l'isolement, une punition imposée par les autorités carcérales.

"Dans la cellule d'isolement, les promenades commencent à 6h30 du matin" alors qu'en régime normal, "la promenade a lieu l'après-midi". "Même s'il s'agit d'une nuit polaire, il fait encore quelques degrés de plus l'après-midi", soulignait l'opposant qui s'était "promis d'essayer de (s)e promener quel que soit le temps qu'il fait".

"Sur la photo ci-dessous, vous pouvez voir ma cour de promenade. 11 pas en longueur, 3 en largeur", ajoutait-il, image à l'appui.

"Peu de choses sont aussi rafraîchissantes qu'une promenade à Yamal à 6h30 du matin. Et quelle merveilleuse brise fraîche qui souffle dans la cour malgré la clôture en béton, c'est juste 'wow'!", ironisait-il encore le 9 janvier.

Alexeï Navalny tournait aussi en ridicule les routines dans sa prison. Le 22 janvier, il a ainsi raconté que les gardiens réveillaient tout le monde à cinq heures pour l'hymne national russe. "Et, juste après cela, la deuxième chanson la plus importante du pays : Je suis russe" du chanteur Shaman, la nouvelle star des grands concerts "patriotiques" organisés par le Kremlin.

"Imaginez la scène: (région de) Iamalo-Nénétsie, nuit polaire, dans une colonie pénitentiaire, le prisonnier Navalny, qui purge une peine de 19 ans et que la propagande du Kremlin réprimande depuis des années pour avoir participé à des marches russes, s'exerce à chanter Je suis Russe", résumait l'opposant.

François Blanchard avec AFP