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Police-Justice

Marseille, Nîmes... la CRS 8, nouvelle arme de la lutte contre les trafics de drogue?

Créée il ya deux ans, la CRS 8 apparaît comme la réponse du gouvernement aux violences dans les quartiers liées au trafic de stupéfiants. Tous les spécialistes s'accordent sur le fait qu'efficace sur le court terme, la lutte contre les trafics se fait sur le long terme.

Objectif: répondre aux situations de troubles à l'ordre public, comme les violences urbaines. Moyen: un déploiement en 15 minutes dans un rayon de 300 kilomètres. Après Colmar, Nantes, Rennes ou Marseille, l'arrivée de la CRS 8 a été annoncée dès mardi matin dans les quartiers de Nîmes quelques heures après la mort d'un enfant de 10 ans dont la voiture dans laquelle il se trouvait avec sa famille s'est retrouvée au milieu d'une fusillade.

Les violences se multiplient dans les quartiers Pissevin et Valdegour depuis quelques semaines. "Quelques échanges de coups de feu ont eu lieu, notamment ces trois dernières soirées. Peut-être que ce troisième événement est une suite dans ces oppositions", a expliqué le préfet du Gard Jérôme Bonet, tandis que le maire de la ville fait état de quartiers "gangrénés" par le trafic de drogue.

"Pacifier le secteur"

Depuis 2021, et sa création, la CRS 8, composée de 200 hommes spécialement formés, a été sollicitée à de nombreuses reprises. Preuve que les autorités comptent sur cette unité, la CRS 8 a été déployée à 121 reprises depuis le début de l'année. À Colmar, Limoges ou Cavaillon, la CRS 8 avait été déployée à chaque fois pour mettre fin à des violences urbaines, des affrontements entre jeunes et policiers.

L'idée, à chaque fois, est de donner un signal fort, "celui du rétablissement de la sécurité", estime le préfet du Gard. L'idée est aussi celui d'afficher des résultats avec 234 opérations menées et 240 interpellations réalisées sur les huit premiers mois de l'année.

À Nîmes, l'envoi de la CRS 8 n'est cette fois-ci pas sans rappeler la situation à Marseille. La semaine dernière, le ministre de l'Intérieur avait annoncé le redéploiement de cette unité d'élite dans la cité phocéenne confrontée à une vague d'assassinats en lien avec une véritable vendetta entre deux gangs. Une trentaine de personnes ont trouvé la mort depuis le début de l'année.

"Quand la CRS 8 ou toute autre unité vient cela nous aide à pacifier le secteur", a estimé ce mardi Jérôme Bonet.

Des policiers qui "nettoient" les halls d'immeuble

Comme à Marseille, les policiers de cette unité vont mener des actions coup de poing. Le but est de perturber les points de deal, déstabiliser les trafiquants mais aussi chercher les armes cachées dans les quartiers. "La CRS 8 et les effectifs de la sécurité publique nettoient les rues, nettoient ces quartiers de l’enfer que font vivre ces trafiquants en bas des halls, complète Matthieu Valet, porte-parole du Syndicat indépendant des commissaires de police.

Pourquoi Gérald Darmanin a-t-il mobilisé l'unité d'élite CRS8 à Marseille ?
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Ce harcèlement quotidien des trafiquants représente une centaine d'opérations et une cinquantaine d'interpellations à Nîmes depuis le début de l'année.

"Quand vous avez des policiers qui tous les jours nettoient ces halls d’immeubles en interpellant les guetteurs, les dealers, c’est un peur d’air, de liberté retrouvée par ces habitants", poursuit le policier.

Même si quatre autres unités doivent d'ailleurs voir le jour d'ici deux ans, avec pour objectif un rayonnement régional, la question de la pérennité de l'action de la CRS 8 se pose. "Que se passera-t-il une fois ces forces parties?", s'interroge Jean-Paul Fournier, le maire de Nîmes qui, s'il salue les renforts annoncés par le ministère de l'Intérieur, s'"inquiète pour le caractère éphémère de leur présence".

Efficacité "ponctuelle"

"La CRS 8 montre son efficacité quand elle est présente mais ça reste bref et ponctuel, concède un policier. Son travail est sur du court terme, elle ne peut pas être partout en même temps." Pour David Weinberger, chercheur spécialisé dans l'analyse des trafics illicites de drogues et la criminalité transnationale, cette unité ne peut en effet "pas agir sur le démantèlement des trafics de stupéfiants mais peut agir sur l'évitement des violences associées à ces trafics".

Les autorités le concèdent: la lutte contre les trafics de drogue fonctionne "sur deux jambes". "Il faut travailler en amont, sinon il va falloir mettre une CRS dans toutes les circonscriptions", ironise un policier. Le démantèlement des réseaux passe lui par le travail discret et minutieux des effectifs de la police judiciaire, qui procèdent parfois à des interpellations avant les règlements de compte, mais qui surtout identifient les réseaux et leur organisation.

"Ce travail est de plus en plus long quand on monte dans les strates, et il est beaucoup moins perceptible et visible sur le temps court", conclut David Weinberger.

Justine Chevalier et Fanny Rocher