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Val d'Oise: une enseignante bientôt jugée pour harcèlement après le suicide d'une de ses élèves

Image tirée d'une vidéo de l'AFPTV montrant des photos d'Evaëlle, le 12 déccembre 2019 à Herblay

Image tirée d'une vidéo de l'AFPTV montrant des photos d'Evaëlle, le 12 déccembre 2019 à Herblay - Aurelia MOUSSLY © 2019 AFP

La collégienne de 11 ans, scolarisée à Herblay dans le Val-d'Oise, s'était donnée la mort le 21 juin 2019. Evaëlle était victime de moqueries et de harcèlement. La justice écarte toutefois le lien de causalité entre ces violences morales et la mort de la petite fille.

"Ces actes et paroles répétés à l'encontre d'Evaëlle ont incontestablement causé une dégradation des conditions de vie altérant la santé de la jeune fille." Le 21 juin 2019, la petite fille de 11 ans mettait fin à ses jours en se suicidant à son domicile à Herblay dans le Val-d'Oise après de longs mois de moqueries, d'insultes, de violences de la part de certains de ses camarades mais aussi des remarques répétées de sa professeure de français.

Si le lien de causalité n'est pas établi, l'enseignante de 61 ans vient toutefois d'être renvoyée devant le tribunal correctionnel de Pontoise pour des faits de harcèlement moral à l'encontre de la collégienne. La juge d'instruction qui vient de rendre son ordonnance de renvoi relève les comportements de la professeure Pascale B. à travers "les humiliations régulières devant la classe" de l'élève et son "isolement au fond de la classe" qui ont conduit à "une altération de sa santé physique ou mentale".

Une jeune fille qui se renferme

D'Evaëlle, tous confirment la forte personnalité et le caractère bien trempé de la petite fille. Une élève précoce, certes parfois dissipée, qui pouvait avoir des problèmes de concentration, mais qui, bien entourée, était en réussite. Ses notes au dessus de la moyenne dans quasiment toutes les matières depuis son entrée en septembre 2018 en classe de 6e au collège Isabelle Autissier à Herblay (Val-d'Oise), le confirment. Seules ses notes en Français, ne sont alors pas au niveau.

Le 18 février 2019, les parents d'Evaëlle portent plainte à l'encontre de camarades. En effet, ils considèrent que leur fille est victime de harcèlement. Cela a commencé dès la rentrée alors que la collégienne dispose d'une dérogation. Souffrant d'un problème physique au dos, elle ne peut pas porter de lourdes charges. Plutôt que de prendre un cahier par matière, elle est autorisée à prendre un classeur pour l'ensemble des cours. Une situation considérée comme un caprice par la professeure qui multiplie les réflexions à ce sujet à l'encontre devant l'élève devant ses camarades.

Les avis sont partagés concernant les méthodes de Pascale B. Certains la décrivent comme une bonne enseignante, d'autres estiment qu'elle est particulièrement sévère envers les élèves en difficulté. Evaëlle est alors la cible de nombreuses réprimandes. La juge d'instruction note que les élèves ont pris la suite des remarques en dehors de la classe. La collégienne est visée par les remarques, les moqueries ou les insultes. Son comportement change, la jeune fille se renferme, s'isole.

Une session de "vie de classe" en cause

La direction est alertée, la professeure de français décide de consacrer deux heures de "vie de classe" à cette situation au début de l'année 2019. La jeune fille est invitée à se mettre au milieu de la classe pour entendre ce que lui reprochent ses camarades et répondre aux interrogations. Evaëlle a beau pleurer face à cette situation humiliante, la professeure insiste et poursuit. À sa mère, la collégienne dit "avoir vécu la pire journée de sa vie". Quelques jours plus tard, Evaëlle est aussi frappée par d'autres élèves.

"Il paraît difficilement concevable, particulièrement pour une enseignante expérimentée, de ne pas réaliser l'impact social et émotionnel que cela a pu avoir sur Evaëlle", note la juge d'instruction dans l'ordonnance de renvoi que nous avons pu consulter. De la même manière, la justification d'une démarche pédagogique ne saurait convaincre."

"Au regard des faits extrêmement graves repprochés à la professeure quand on connaît la fin tragique d'Evaëlle (...), c'est la première fois que le harcèlement scolaire est considéré au sens large", a réagi auprès de l'AFP Me Delphine Meillet, avocate de la famille d'Evaëlle. "C'est-à-dire" au sens "où un juge d'instruction a jugé qu'un professeur doit être renvoyé pour des actes répréhensibles de harcèlement scolaire à l'égard d'un élève."

Deux élèves renvoyés

À la suite de cet épisode, les parents d'Evaëlle avaient décidé de changer leur fille d'établissement. Celle-ci était depuis suivie par un psychologue. Quelques mois plus tard, après une période d'amélioration, la jeune fille se suicide après avoir été confrontée au comportement violent d'un camarade dans son nouveau collège. La justice écarte donc tout lien de causalité entre sa mort et la situation dans laquelle elle se trouvait dans son ancien collège. Le chef d'homicide involontaire n'est pas retenu et Pascale B. est jugée pour "harcèlement moral" envers Evaëlle et deux autres anciens élèves.

"Je souhaite souligner que la mise en cause initiale de ma cliente dans le décès tragique d'Evaëlle est totalement écartée", a déclaré Me Marie Roumiantseva, conseil de l'enseignante. "Quant au prétendu harcèlement moral imputé à ma cliente, cette dernière le réfute fermement et s'en expliquera devant la juridiction de jugement le cas échéant."

Trois adolescents étaient initialement poursuivis pour avoir harcelé Evaëlle. L'un d'eux a bénéficié d'un non-lieu et deux ont été renvoyés devant le tribunal pour enfants pour "harcèlement sur mineure".

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV