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Gouvernement

Plan de lutte contre le harcèlement scolaire: pourquoi Gabriel Attal n'est pas seul à la manoeuvre

Gabriel Attal à Saint-Germain-sur-Ille le 4 septembre 2023

Gabriel Attal à Saint-Germain-sur-Ille le 4 septembre 2023 - JULIEN DE ROSA / AFP

Le ministre de l'Éducation nationale s'affichera aux côtés de la Première ministre pour un très attendu plan de lutte contre le harcèlement scolaire. Mais certains s'inquiètent que ces annonces reposent sur plusieurs ministères, au risque de ne pas décoller.

L'offensive contre le harcèlement scolaire se poursuit. Élisabeth Borne annonce ce mercredi après-midi un plan interministériel pour lutter contre ce fléau. Gabriel Attal, qui en a fait l'une des priorités depuis son arrivée à l'Éducation nationale en juillet, joue très gros et va devoir rapidement devoir annoncer des résultats.

"Je ne reculerai devant rien", a lancé, bravache le ministre, interpellé sur la question mardi à l'Assemblée nationale.

Loin d'avoir la main sur tous les aspects

Si le trentenaire à l'ascension fulgurante sera de fait comptable devant les Français, il est pourtant très loin d'avoir la main sur tous les sujets.

Dans le plan annoncé par la Première ministre, on devrait trouver bien sûr des annonces liées à l'Éducation comme la confiscation du téléphone de l'élève harceleur ou les cours d'empathie en classe mais aussi d'autres éléments directement liées au ministère du Numérique.

Le gouvernement veut ainsi bannir les personnes condamnées pour cyberharcèlement à 6 mois ou un an en cas de récidive. Mais cette peine semble déjà très difficile à appliquer, sans compter qu'elle risque d'être retoquée par Bruxelles.

"Quant tout le monde est responsable, personne n'est responsable"

Le ministre de la Justic Éric Dupond-Moretti devrait également être à la manœuvre pour prôner une plus grande sévérité. Si le harcèlement scolaire est puni par la loi depuis 2022, seuls quatre élèves ont depuis été condamnés.

"C'est sûr que vous multipliez les risques que quelque chose ne fonctionne pas bien quelque part. Quand tout le monde est responsable, personne n'est responsable à la fin", remarque un conseiller ministériel qui suit de près le dossier.

Mais le ministre avait-il vraiment le choix? À partir du moment où Élisabeth Borne a repris en main le dossier du harcèlement à l'été, tous les ministres concernés étaient amenés à prendre leur part. Au risque peut-être de diluer les responsabilités des parties prenantes.

"C'est une bonne idée que chacun prenne sa part. C'est un phénomène qui touche toute la société. On est collectivement responsables donc soyons collectivement acteurs", défend la députée européenne macroniste Ilana Cicurel, spécialiste des questions d'éducation.

"On fait table rase au lieu de renforcer ce qui pourrait fonctionner"

Certains professeurs, qui soutiennent certes la démarche du ministre de vouloir créer "un électrochoc", pointent du doigt un autre écueil: celui d'empiler les dispositifs.

Le programme de lutte contre le harcèlement scolaire (pHARe) que son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, avait lancé à partir de 2021, a ainsi quasiment disparu des radars.

Il déploie pourtant de précieux outils, comme des heures de sensibilisation dans les classes ou encore une équipe d'élèves ambassadeurs formés pour signaler les situations qu'ils observent en particulier sur les réseaux sociaux.

"Gabriel Attal a envie de mettre sa patte et c'est normal. Mais on fait table rase au lieu de renforcer ce qui pourrait fonctionner si on en parlait plus et si on y mettait les moyens", regrette une ex-conseillère de Pap NDiaye.

"Les professeurs pas là pour pallier les défaillances"

Dernier risque pointé du doigt par certains: la responsabilité que porteraient les professeurs à repérer les faits de harcèlement, quitte à leur faire porter une trop lourde charge.

"Les enseignants ne sont pas des psys. Ils sont là pour transmettre le savoir et non pour pallier les défaillances, que ce soit celles de parents ou de l'administration", s'agace le sénateur Max Brisson, référent éducation pour les LR.

"J'entends que ce soit dur pour eux d'entendre qu'ils doivent avoir les yeux partout alors que le harcèlement se fait certes à l'école mais surtout sur les réseaux sociaux. Mais à un moment, c'est aussi leur travail de protéger les élèves", répond un bon connaisseur du dossier.

Pour l'instant, Gabriel Attal peut afficher sa confiance. Il est devenu la troisième personnalité politique préférée des Français dans un sondage Odoxa pour Public Sénat.

Marie-Pierre Bourgeois