BFMTV
Education

L'une des créatrices du questionnaire anti-harcèlement scolaire explique le choix des questions

Une des pédopsychiatres qui a participé à la conception du questionnaire anti-harcèlement scolaire qui va être déployé à partir de ce jeudi dans les établissements scolaires détaille les choix des différentes questions retenues.

Des questions loin d'avoir été choisies au hasard. Des questionnaires anti-harcèlement scolaire vont être distribués à partir de ce jeudi 9 novembre dans les établissements scolaires aux élèves du CE2 à la terminale.

Nicole Catheline, pédopsychiatre, fait partie des experts consultés pour la conception de ces documents. Elle détaille auprès de BFMTV.com la manière dont ils ont été imaginés, dans une double logique: libérer la parole de l'enfant et permettre aux enseignants de prendre connaissance d'un problème qui a pu passer sous les radars.

Questions adaptées aux âges, importance du ressenti...

Nicole Catheline souligne d'abord la volonté de ne pas proposer un document unique, mais plusieurs versions adaptées en fonction des classes d'âge, à la fois en nombre de questions (33 pour les primaires, 44 pour les collégiens et lycéens) mais aussi en terme de structures: "Ce n'est pas la même longueur de question, pas les mêmes mots employés", précise la spécialiste.

Comment les questionnaires contre le harcèlement scolaire vont-ils fonctionner?
Comment les questionnaires contre le harcèlement scolaire vont-ils fonctionner?
3:53

Les formulations varient effectivement. On demande par exemple aux primaires: "est-ce qu’on t’a donné un surnom méchant?" et "est-ce qu’un ou plusieurs élèves te rabaissent ou t’humilient?".

"Pour les plus âgés, il y a plus de questions sur les réseaux, ce qui se comprend parce que ce sont eux qui y sont le plus confrontés", explique Nicole Catheline, tout en reconnaissant que "les plus jeunes y ont accès de plus en plus jeunes, parfois avant 10 ans".

La psychothérapeute souligne l'importance d'intégrer des questions portant à la fois sur des faits manifestes relevant d'un harcèlement (mises à l'écart, insultes, menaces, coups, atteintes à caractère sexuel, vols...) mais aussi sur les ressentis de l'enfant (douleurs récurrentes à la tête ou au ventre, peur d'un élève ou de se rendre dans son établissement, tristesse, colère inexpliquée,...).

"On est tous extrêmement inégaux devant les émotions. Il y a des enfants qui vont s'effondrer psychologiquement ou physiquement à la première critique et d'autres où il en faudra beaucoup plus pour qu'ils s'effondrent", détaille Nicole Catheline. Pour elle, se focaliser sur le ressenti permet de mettre en évidence des signaux faibles.

"Une première étape"

Elle revendique par ailleurs le fait que les questionnaires soient anonymes, afin de créer un espace où la parole peut se libérer sans être directement identifiable.

"L'idée, c'est d'abord de faire prendre conscience aux élèves que ce qu'ils vivent n'est pas acceptable, même s'ils l'acceptent parfois depuis des années. Le fait qu'on pose des questions permet de se questionner: 'on me parle de harcèlement et on évoque une situation que je vis, peut-être que c'est lié'", développe-t-elle.

La dimension d'alerte est également centrale, car les documents seront distribués et collectés par un enseignant, qui aura la charge de comptabiliser les réponses pouvant correspondre à des situations à risque. "L'idée, c'est de ne pas mettre un nom mais que les professeurs puissent savoir s'il y a problème dans leur classe".

"Il y a beaucoup d'enseignants qui disent: 'chez moi, il n'y en pas'", assure-t-elle.

Ce questionnaire étant une première en France, Nicole Catheline dit reconnaître que "ça ne suffira probablement pas", mais qu'il peut permettre aux équipes pédagogiques de se mobiliser dans certains établissements. "Le but n'est pas de rentrer dans toute la complexité du phénomène du harcèlement, c'est une première étape", estime-t-elle, expliquant que les questions ont été adossées aux recommandations des instituts internationaux spécialisés sur l'éducation, Pisa et BSC.

La psychothérapeute précise par ailleurs qu'il est prévu que le questionnaire soit administré tous les ans, lors de la journée nationale contre le harcèlement scolaire, le 9 novembre. Il pourrait, à cette occasion être amendé, assure la psychothérapeute, avec des retraits, des ajouts ou des modifications de certaines questions.

Glenn Gillet